Les spermatozoïdes de certaines fourmis naviguent en peloton

Home ACTUALITE Sciences & Environnnement. Lefigaro.fr
Par Tristan Vey
Publié le 12/06/2014 à 18:38

Les gamètes mâles d'une espèce de fourmi du désert se regroupent par grappe, vraisemblablement pour avancer plus vite et devancer le sperme des autres mâles dans la spermathèque de la femelle.
La guerre que se livrent les spermatozoïdes n'est pas toujours individuelle. Il semblerait que des stratégies de coopération puissent se mettre en place chez certaines espèces pour faire de cette compétition un sport d'équipe. Des chercheurs belges de l'Université libre de Bruxelles viennent de montrer que les spermatozoïdes d'une fourmi du désert (Cataglyphis savignyi) se regroupaient en agrégats de plusieurs dizaines sous une même coiffe pour avancer plus vite.

«C'était une vraie surprise», explique au Figaro Morgan Pearcy, auteur principal de l'étude publiée dans la revue Biology Letters. «Au départ, nous voulions seulement étudier les caractères morphologiques des spermatozoïdes de cette espèce chez qui la compétition spermatique est très intense: chaque femelle recueille les éjaculats de 14 mâles différents environ alors que sa spermathèque ne peut vraisemblablement pas en contenir plus d'un complet.»
«Un avantage évident»

Les biologistes ont ainsi récupéré ces éjaculats de quelques millièmes de millilitres (on est loin des 400 litres de la baleine) sur des mâles matures. En les passant au microscope, ils ont remarqué la présence de ces sortes de méduses regroupant entre 20 et 200 spermatozoïdes et se sont questionnés sur leur intérêt. Ils ont alors remarqué que ces pelotons se déplaçaient jusqu'à deux fois plus vite que des spermatozoïdes isolés, notamment dans des milieux visqueux. «Cela confère un avantage évident dans la compétition avec les spermatozoïdes des autres mâles pour gagner la spermathèque avant que celle-ci ne soit pleine», note Morgan Pearcy.

«Au moment où nous avons fait cette découverte, le seul cas bien documenté de coopération spermatique concernait une souris des bois (Apodemus sylvitacus)», poursuit le chercheur. «De façon étonnante, deux papiers sur deux autres espèces de fourmis présentant des caractéristiques similaires viennent d'être publiés ces dernières semaines.» Elles sont l'œuvre d'une équipe brésilienne et d'une autre germano-américaine. «Je me demande si cela ne veut pas dire que cette forme d'entraide entre les différents spermatozoïdes d'un même mâle n'est pas beaucoup plus répandu qu'on ne le pensait chez les fourmis.»

Comme tous les spermatozoïdes d'une même fourmi mâle sont génétiquement identiques (contrairement aux spermatozoïdes de l'homme par exemple), il est vrai qu'ils ont en fait peu d'intérêt à se faire la guerre. Reste à comprendre pourquoi les nombreuses autres espèces dont les spermatozoïdes sont des clones n'ont pas adapté cette stratégie avantageuse.