Fourmis parasitées par le ténia
Mis à jour le 31-Jan-2016
Science et Vie de janvier 2016 nous apprend dans une petite note de M. Saemann que "Le destin d'une colonie ne tient qu'à une fourmi. Quand le parasite Anomotaenia brevis infecte une fourmi, il modifie son odeur. Ce qui brouille, chez les autres, la détection des intrus... qui attaquent plus facilement. Toute la colonie est alors fragilisée."
C'est Luc Plateaux qui en 1972 a observé que les Temnothorax nylanderi (appelées à l'époque Letpothorax) peuvent être l'hôte intermédiare d'un ténia (un ver cestode) qui se développe dans cet hôte avant de passer chez l'hôte définitif, un pic (Dendrocopus major, pic épeiche ou D. minor, pic épeichette) où il vit dans le tube digestif. La transmission se fait quand le pic mange les fourmis en creusant les branchettes où vivent les Temnothorax, puis les fourmis mangent les fécès des oiseaux contenant des oeufs du ver. Les fourmis parasitées sont jaunes, plus petites avec des modifications morphologiques. Elles sont inactives, ne fourragent pas et sont donc un poids pour la colonie. Elles sont tolérées dans la colonie et même soignées mais parfois on observe quand même des agressions de la part des autres ouvrières et aussi entre elles. Cela a un effet négatif sur la colonie où la ponte est diminuée (Salzemann et Plateaux 1987). Trabalon a montré ensuite que les ouvrières parasitées ont les mêmes hydrocarbures cuticulaires que leurs soeurs mais avec des différences de proportions. elles en fabriquent ausi plus (213 ng/fourmi versus 330 pour les parasitées). Cela peut explique les l'intolérance partielle des fourmis à leur encontre.
(Trabalon et al 2000)
Cycle biologique du ténia (Feldmeyer et 2016)
Sara Beross, une élève de Suzanne Foitzik à Mainz, vient de reprendre cette question (voir note de Science et Vie) et confirme que les parasites influent aussi sur les fourmis non parasitées qui ont une survie diminuée. Les parasitées sont mieux nourries et ont une meilleure survie. Elles sont moins agressives vis-à-vis de congénères, ce qui pourrait expliquer leur tolérance envers les parasitées qui ont un profil chimique un peu différent (Beross et al 2015). Une autre étudiante, Barbara Feldmeyer, a étudié l'expression de 400 gènes dans le cerveau des fourmis. De nombreux gènes pouvant influencer favorablement la durée de vie et au contraire ceux de l'expression musculaire sont déprimés chez les fourmis parasitées, ce qui peut augmenter leur probabilité à être mangés par un pic, si elles restent immobiles quand le pic creuse le nid. Les voies possibles causales entre ces gènes et le phénotype ne sont pas claires encore.. (Felmeyer et al 2016).
L'expression des gènes (Felmeyer et al 2016)
Références
- Beros, S., E. Jongepier, F. Hagemeier and S. Foitzik (2015).
The parasite's long arm: a tapeworm parasite induces behavioural changes in
uninfected group members of its social host. Proceedings Royal Society London
B 282(1819).
- Feldmeyer, B., J. Mazur, S. Beros, H. Lerp, H. Binder and S. Foitzik (2016).
Gene expression patterns underlying parasite-induced alterations in host behaviour
and life history. Molecular Ecology in press 2016.
- Plateaux, L. (1972). Sur les modifications produites chez une fourmi par la
présence d'un parasite cestode. Ann. Sci. Nat. ser. 2 14: 203-220.
- Salzemann, A. and L. Plateaux (1987). Reduced egg laying by workers of the
ant Leptothorax nylanderi in presence of workers parasitized by a Cestoda. Chemistry
and biology of social insects. J. Eder and H. Rembold. Munich, Peperny: 45.
- Trabalon, M., L. Plateaux, L. Péru, A.-G. Bagnères and N. Hartmann
(2000). Modification of morphological characters and cuticular compounds in
worker ants Leptothorax nylanderi induced by endoparasites Anomotaenia brevis.
Journal of Insect Physiology 46: 169-178.